Dans la vie chrétienne plus qu'ailleurs, le «?Je crois» et le «Je t'aime» sont inséparables. Dans ce traité philosophique sur la foi, Josef Pieper nous fait prêter une oreille plus attentive à la lettre du Credo. Nous ne disons pas : «Je crois que Dieu existe, qu'il est le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, etc.» Mais : «Je crois en Dieu – Credo in unum Deum.» La tournure grammaticale en latin désigne un mouvement, un élan, en l'occurrence une tension amoureuse. Les articles de foi n'ont pas leur finalité en eux-mêmes : ils sont là pour articuler notre vie à ce Dieu qui est source de la vie, dont les dogmes nous esquissent les linéaments, dont Jésus nous dévoile le visage. Comme le souligne Pieper : «Si l'on demandait à un véritable croyant : “Que crois-tu en fait ?”, celui-ci n'aurait pas tant à détailler un quelconque contenu qu'à désigner – faisant ainsi preuve d'une grande précision – celui qui se porte garant, et à répondre : "Je crois ce que dit celui-là”.» De par ce fondement, qui est relation à une personne plus que compréhension d'une thèse, la foi des simples peut rejoindre et même dépasser celle des plus subtils théologiens : ceux-ci savent mieux articuler le détail du contenu; ceux-là empêchent que ce détail tourne à la planche d'anatomie. La foi des simples nous prévient contre la foi morte, qui préfère la dissection du cadavre à la proximité du Corps vivant. Elle nous rappelle que les idées sont au service des visages, et non l'inverse.