Un nom – «Ad Solem»
Ad Solem, « vers le Soleil » : un nom, un esprit aussi, résolument tourné vers la « Lumière qui éclaire tout homme» (Jn 1, 12). Depuis 1992, chaque livre veut à sa manière être un éclat, une étincelle pour faire rayonner le sens ; un espace pour permettre la rencontre de l’Autre à travers le chemin des mots. Rencontre par le biais de l’écriture, laquelle, comme une trace, atteste le passage de Celui qui ne se laisse découvrir qu’après coup, dans la distance.
Pendant quelques instants, le temps de lire une ligne ou une page, le lecteur abandonne sa volonté propre pour suivre l’empreinte laissée par les mots sur la surface de la page. Moments de communion avec l’auteur, dont les mots veulent réveiller en nous «le désir de l’éternité inconnue sous la douceur des mots connus» (saint Grégoire le Grand). On ne ressort jamais le même de la lecture d’un livre. L’édition est un art : un savoir-faire qui doit communiquer un savoir-vivre.
Le livre, pour Ad Solem, n’est pas un moyen parmi d’autres de transmettre savoir et sagesse. Si le codex a remplacé le volumen aux premiers siècles du christianisme, c’est que sa forme traduisait le contenu de la foi dont son apparition est solidaire. Au déroulement infiniment répété du rouleau a succédé l’arrêt sur la page, la fin de la ligne. A l’éternel retour a succédé la Nouvelle Alliance.
Aujourd’hui, les textes se déroulent sur l’écran des ordinateurs. Le temps du nihilisme se traduit par la civilisation du rouleau numérique. Comment être «à la page» aujourd’hui si le livre est menacé sinon de disparition du moins d’une marginalisation croissante ? Peut-être en reprenant conscience de ce que livre n’existe pas sans un regard qui se pose sur la page. Avant d’être un objet, le livre est un verbe : il «se livre» au regard. Quelqu’un s’y donne. Mais dans un retrait.
« Il se tait
et les mots qui nous restent
s’écartent peu à peu pour laisser passer
entre eux son regard » (Jean-Pierre Lemaire).
Une collection (1969-1992)
À l’origine, Ad Solem est une collection créée par Claude Martingay (1920-2015), libraire à Genève, mais aussi philosophe et poète, qui a gardé d’un séjour de trois ans à la Chartreuse de La Valsainte la radicalité de la vocation cartusienne : chercher «Dieu seul». Une longue amitié le lie à dom Jean-Baptiste Porion, dont la collection «Ad Solem» publie en 1972 la traduction des Lettres spirituelles d’Hadewijch d’Anvers.
Auparavant, deux autres titres ont été publiés : L’Ermitage et Les Portes du silence, qui se sont imposés depuis lors comme des classiques de la littérature monastique. En 1992, le fond de la collection devient le noyau d’un nouveau projet éditorial. La collection «Ad Solem» compte alors une quinzaine de titres à son catalogue. Claude Martingay cesse à ce moment son activité, aussi bien de libraire que d’éditeur, et se retire à Lausanne, puis au Mont-Pèlerin, pour se consacrer exclusivement à l’écriture et à la prière.
Fortement inspiré par Montaigne et Marcel Proust, dans un esprit proche d’un Roger Munier ou d’Henry Maldiney, il laisse une œuvre riche de près de 40 ouvrages, couvrant le domaine de la poésie, de la philosophie, de la littérarure, ainsi que des centaines de manuscrits. Le Fond Claude Martingay est déposé à l’Institut Catholique de Paris.
Un éditeur genevois (1992-2009)
En 1992, le fond de la collection «Ad Solem» devient le noyau d’un projet éditorial né de la rencontre de Christian Buenzod et Grégory Solari. Rapidement le champ de publication est ouvert à la philosophie, puis à la théologie. Sous la direction de Grégory Solari, Ad Solem se démarque par la cohérence voulue entre la forme des ouvrages produits et leur contenu. La typographie est mise au service de la parole imprimée.
En cela, Ad Solem s’inscrit dans la tradition typographique Suisse romande. La maison se démarque aussi par le fait qu’Ad Solem est le premier éditeur catholique genevois – son siège est à Genève, ville de Calvin et berceau de la Réforme. Cette origine genevoise se traduit de deux manières dans la ligne éditoriale : une dimension internationale. Le catalogue comprend de nombreuses traductions, principalement d’auteurs anglo-saxons et allemands ; une dimension œcuménique, avec des auteurs comme Serge Boulgakov, Vladimir Soloviev, Sergeï Averintzev, pour le monde orthodoxe, ou Jean Brun, John Milbank, Catherine Pickstock pour le monde protestant et anglican.
En 1998, après l’arrivée d’Isabelle Solari, Ad Solem s’ouvre à la poésie, tandis que la collection philosophique délimite progressivement son contour avant de s’installer dans le champ de la phénoménologie, avec les ouvrages d’Edith Stein d’abord, puis de Jean-Yves Lacoste, Philippe Cormier et Jean Vioulac.
2010-2015
En janvier 2010, Ad Solem s’installe à Paris. Après une année de partenariat avec les éditions de l’Œuvre et afin de consolider une position qu’a rendue plus fragile la nouvelle configuration du métier de l’édition et la numérisation des supports du savoir, Ad Solem envisage à partir de 2013 une intégration au sein du groupe Elidia-DDB. Celle-ci est scellée le 11 février 2016.
Depuis 2020, la société Solari éditions SARL, sise en Suisse, a repris le fonds Ad Solem. Elle poursuit essentiellement la publication de textes poétiques, spirituels et théologiques.
Presque 40 ans après sa création, Ad Solem redevient une collection forte de près de 300 titres.
Parmi ses auteurs figurent les noms de Joseph Ratzinger, Edith Stein, John Henry Newman, Josef Pieper, François Cassingena-Trévedy, Gérard Bocholier, David Jones, Louis Bouyer, Hans Urs von Balthasar, Romano Guardini. En mars 2003, le cardinal Paul Poupard disait d’Ad Solem: « La qualité de vos éditions et le choix judicieux d’auteurs significatifs de la rencontre entre foi et culture, sont une contribution indispensable et heureuse à la nouvelle évangélisation ».
Sous la direction de Grégory Solari, Ad Solem poursuit son travail : mettre au jour les différentes formes que prend la réponse liturgique, au sens large du terme, que l’homme donne à l’Appel de Dieu – ce que dom Jean Leclercq appelle « le désir de Dieu et l’amour des lettres ».